Si Brie Larson s’est vue remettre à raison l’Oscar de la Meilleure Actrice, on regrette qu’il n’existe pas d’Oscar du Meilleur Très Jeune Acteur pour récompenser l’impressionnante performance du jeune Jacob Tremblay, dans ce film d’une qualité rare.
Une respiration, hors champ.
La succession de très gros plans, à travers lesquels on aperçoit les détails de ce qui compose l’intérieur d’une chambre.
Ma est allongée sur le lit. A ses côtés, une petite tête: celle de son fils, dont la longue et soyeuse chevelure n’a vraisemblablement pas été coupée depuis sa naissance, il y a cinq ans.
Car Ma et son fils vivent séquestrés dans ces quelques mètres carrés qui constituent tout ce que le petit Jack connaît de la vie. Pour le protéger, Ma a fait de cette « Room » leur unique réalité, le seul monde qui soit.
Dans ce monde, la télévision est une planète, grâce à laquelle on peut par magie obtenir le nécessaire – de la nourriture, une nouvelle paire de jeans, qui leur seront apportés par Nick, lors de ses visites nocturnes, et pour les « cadeaux du dimanche ».
Dans ce monde, chaque chose a un nom propre, une personnalité qui mérite d’être saluée chaque matin au réveil: « Bonjour Monsieur l’Evier, Bonjour Chaise n°1, Bonjour Lampe, … » Dans la chasse d’eau au couvercle cassé, il y a « La Mer », et il y flotte des bateaux d’aluminium.
Nous vivons l’oppression, l’exiguïté des lieux avec Ma et Jack, ressentons l’absence d’air, le peu de lumière qui filtre à travers l’unique lucarne, l’impossibilité pour la caméra de reculer, et vivons dans notre chair l’arrivée d’Old Nick, le soir, dans cette prison.
Toutefois, et c’est là la virtuosité de la réalisation, de l’écriture et de l’interprétation, le film parvient dès les premières minutes à insuffler un imaginaire, une beauté, et une poésie à son récit: mère et fils sont unis, et mènent dans cette chambre la vie la plus riche possible. Ensemble, ils cuisinent, lisent «Alice aux Pays des Merveilles» ou se racontent «Le Comte de Monte Cristo», inventent des règles et des principes universels.
Mais Jack est grand désormais: il a cinq ans. Et le temps est venu de lui apprendre la vérité, pour tenter le tout pour le tout.
Lui apprendre qu’il existe un autre monde au-delà de la chambre et derrière les murs, lui faire comprendre l’existence des arbres, des feuilles, lui expliquer qu’elles ne sont pas seulement vertes, mais qu’elles se détachent des branches, pourrissent, comme les pommes. Lui apprendre que lorsque son souffle se transforme en buée, ce n’est pas que l’on est devenu dragon, mais seulement que la température a baissé.
«Room» est l’histoire d’une mère et de son fils, de leur amour, et d’un apprentissage au monde. Porté par un scénario, une réalisation, et une interprétation d’une remarquable intelligence, le film parvient à traiter d’un sujet extrêmement difficile, en soulevant des questions cruciales avec délicatesse, dans un grand respect de ses personnages. Nous sommes avec eux, avec Jack surtout, à chaque scène, éprouvons tour à tour mille et une émotions, et sortons de la salle marqués par la poésie et la beauté qui se dégagent du tout, avec l’envie de porter un nouveau regard sur le monde.
Un film rare.