Après le succès de « Birdman », le réalisateur mexicain Iñárritu revient en force dans la course aux statuettes avec douze nominations, dont celle de meilleur acteur pour Leonardo DiCaprio, qui n’a peut-être jamais autant mérité de recevoir l’Oscar.
Dans un jeu extrêmement physique de près de deux heures, Leonardo DiCaprio nous livre l’une de ses plus remarquables prestations, et parvient encore à nous surprendre. Acteur à la ressource aussi incroyable qu’inépuisable, il confirme sa capacité à incarner toutes les facettes de l’être humain.
Hugh Glass est un trappeur américain en expédition dans le Grand Nord, dont la connaissance du Montana et du Dakota du Sud est inégalée. Quand la troupe qu’il guide se fait attaquer par une horde d’Indiens, il bat en retraite, non sans avoir perdu plusieurs hommes.
Mais lorsque le danger ne vient pas de guerriers résolus à défendre les terres qu’on leur a dérobées, il se présente sous les traits d’un ours majestueux.
La gorge en lambeaux, le dos déchiqueté par ses puissantes griffes, Glass est à l’article de la mort lorsque ses compagnons le découvrent gisant sous la masse de fourrure, au fond d’un ravin.
Parvenir à rejoindre le Fort Kiowa avec ce blessé agonisant sur un brancard de fortune s’avère mission impossible, et les hommes doivent se décider à se séparer : un petit groupe se mettra en route, tandis que trois hommes demeureront auprès de Glass. Comme une prime importante est en jeu, Fitzgerald (Tom Hardy) se résout à rester, malgré son aversion pour Glass et pour son fils, né d’une mère Indienne Pawnee. Mais combien de temps tiendra-t-il ?
« The Revenant » est une histoire de vengeance : celle d’un homme laissé pour mort et désormais prêt à tout pour atteindre son but.
Tour à tour mourant ou tuant, rampant dans la neige ou emporté par les rapides d’une eau glacée, rendu aphone par la maladie ou hurlant tel le guerrier qu’il est, DiCaprio nous donne à vivre ce terrible périple dans le Grand Nord, à la recherche de celui dont il veut se venger.
Face à lui, Tom Hardy (nominé pour l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle), est parfait en Texan aguerri aux difficultés de la vie, prêt à sortir son épingle de tout jeu : il en a la gueule, l’accent, la détermination.
Si le film déçoit, ce n’est que sur un point : le choix de placer Glass dès les premières minutes dans une position de surhomme, capable de résister aux coups les plus durs et aux attaques les plus barbares. Cela a pour effet de rendre presque impossible toute tension dramatique. Si nous sommes frappés par le talent avec lequel Iñárritu met en scène son histoire, pousse son acteur aux limites, et saisit par l’image et le son la magnificence du décor qui l’entoure, nous regrettons le fait que l’histoire soit parfaitement prévisible.
Nous le lui pardonnerons tout de même, tant le reste est admirablement orchestré, et tant nous sommes saisis par le froid, l’horreur, et la beauté.
Autour des personnages, en clef de voûte, une nature majestueuse, tour à tour effrayante et sublime, dont Iñárritu capte l’essence et l’intimité : l’atmosphère sonore si particulière d’une forêt sur laquelle se met à tomber la neige, le rayonnement de cendres chaudes montant d’un feu contre la masse obscure des grands pins dans la nuit, le chant d’une rivière coulant entre deux blocs de glaces… Le Grand Nord est là, dans toute sa grandeur et sa souveraineté, et il vient à la fois compléter le duo des acteurs et apporter un nouveau sens au tout.
Dans cette splendeur magistrale et glacée, au milieu des plaines qui étendent leur blancheur majestueuse jusque dans les montagnes, dans les branches humides de mousse dont l’ombre chinoise se multiplie à l’infini, c’est bien l’homme, et l’homme seul, qui vient tacher la neige de rouge. C’est l’homme qui envahit le silence de ses cris, l’homme qui tue, qui brûle, et détruit.
Un film d’une beauté à couper le souffle pour traiter de vengeance, de folie humaine, de cruauté, de barbarie.