John Ridley, scénariste oscarisé pour «12 Years a Slave», réalise son premier film, un biopic qui s’intéresse à la vie de Jimmy Hendrix dans le Swinging London.
« Jimi : All Is By My Side » retrace la vie de Jimmy Hendrix, depuis le petit bar new-yorkais dans lequel il fut repéré par Linda Keith, la compagne de Keith Richards (interprétée par Imogen Poots, aux faux airs d’Anna Karina), jusqu’à son départ pour le festival de Pop Music de Monterrey en juin 1967, où il partagea la scène avec Janis Joplin, The Who, ou encore Otis Redding.
Le biopic est un art compliqué : raconter la vie d’une légende tout en conférant au film rythme et tension n’est pas aisé, et nombreux sont les films du genre à avoir déçus leur public.
John Ridley use de la techinuqe du « jump cut », coupe à l’intérieur d’une même scène et joue avec les voix directes ou off, conférant ainsi un certain rythme à son film, tout en faisant planer une légère impression d’hallucinations visuelles et auditives. Le tableau qu’il brosse de la vie de Hendrix pourrait être qualifié d’ « impressionniste » : par petites touches, petites scènes, il établit une ambiance particulière, et nous donne à voir comme des instants volés de la vie de la star.
Star, Hendrix n’en est pas forcément une dans ce film qui s’attache davantage à montrer les coulisses que le show en lui-même.
Faute d’avoir pu obtenir les droits des morceaux originaux, la bande-son du film doit se contenter de peu, et nous ne voyons Hendrix véritablement chanter que dans une scène finale. Posé, il ne se laisse pas aller à la rage qui semble régir les autres grands noms de sa génération : comme Eric Clapton qui quitte précipitamment la scène, tant le talent de ce jeune admirateur, fraîchement débarqué des Etats-Unis et qui a demandé à faire un buff avec lui, est imposant.
Hendrix évolue dans la faune londonienne des années 60 avec bonne humeur et modestie. Il s’étonne lui-même de son succès, appelle son père à l’autre bout du monde pour en rire, se laisse conseiller par sa petite amie, Katie, pour savoir si la veste militaire qu’il choisit dans un magasin de friperies est assez « groovy ». Nous apprenons à le connaître et à l’aimer, cet homme plutôt sans histoires, au sourire doux, à la voix tempérée, qui semble faire de la musique parce qu’il l’aime véritablement et qu’il veut transmettre au public ce qu’elle signifie pour lui – une énergie, des couleurs, une vision du monde – plutôt que pour devenir un nom.
Le film aborde des thématiques chères à Ridley: ainsi, lorsque Ida, la nouvelle amie de Hendrix, métisse de Milwaukee, lui présente le militant Michael X, il s’entend dire qu’il ne sera jamais rien d’autre qu’une « curiosité » aux yeux des Blancs devant lesquels il se produit, et qu’il ferait mieux d’adresser sa musique aux siens, « à son peuple » pour lequel il pourrait devenir un symbole, une inspiration. Jimi répond qu’il ne fait que jouer de la guitare et que lorsque le pouvoir de l’amour sera plus fort que l’amour du pouvoir, les choses pourront enfin changer.
Mais derrière cette posture de « hippie cool » se cache un autre Hendrix que Ridley tient à présenter, malgré les démentis de la véritable Katie Etchingham : celui qui, violent, jaloux, rendu paranoïaque par les propos doucereux d’Ida, en vient à frapper sa compagne avec le combiné d’un téléphone au beau milieu d’un bar.
Ce défaut est rattrapé par l’interprétation d’André Benjamin (le chanteur du groupe Outkast qui se fit connaître avec le single «Hey Ya»), qui nous offre un Hendrix calme, « cool », sympathique et charmant.
Le film n’évite pas les clichés qui sont liés au sujet et à l’époque, non plus qu’un certain manque d’intrigue parfois propre au genre du biopic, mais parvient malgré tout, dans plusieurs scènes très justes ainsi qu’à travers la belle interprétation d’André Benjamin et du reste du cast, à nous toucher, et à nous donner l’impression d’avoir partagé un peu de cette vie, à la fois commune et très particulière.