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Je pars (vie d'expatriée)

Une vie à l’étranger, une vie d’expatriée, et même lorsque sa patrie c’est l’Europe, une vie loin du pays natal, donc, rime avec une autre manière de voyager.

Fini les envolées lyriques, les départs ivres pour la mer, sac à dos sur les hanches et bananes fermement accrochées aux reins (pitié, non, pitié, jamais !).

Fini la mappemonde qu’on fait tourner les yeux bandés, c’est pas moi, c’est l’index, ça y est, bam! désigné! décidé! Tu prends ton manteau on s’en va!

Une vie à l’ « étranger » signifie les vacances de retour au « pays », voir les siens, la famille, les amis (si tant est qu’ils ne soient pas eux-mêmes de la famille des arrachés au giron premier de leur terre-mère); et si c’est là un besoin nécessaire, vital, et délicieux, il n’en reste pas moins que grandit alors et sourdement en l’âme des expatriés une nostalgie différente, profonde, impérieuse, une nostalgie à caractère, volontaire, exigeante : la nostalgie, le mal, la maladie du voyage, le vrai, celui qui fait dormir dans la forêt, à la plage, dans un chalet, celui qui bringuebale dans les bus, les camionnettes, sur les motos. Celui qui fait oser les pires conneries, donne les plus grandes peurs, et laisse les meilleurs souvenirs.

Voyager, mec.

Pas pour le boulot, le taff. Pas avec sa valise à roulettes. Pas en agence, organisé. Pas avec un plan dans la tête.

Le voyage. L’évasion. Le départ.
Transport amoureux du nomade.

Hors du confort, de l’habitude. Ouvrir les yeux. Regarder par le carreau défiler l’inconnu. Tenter de le saisir, d’y entrer, respectueusement, de s’y adapter, de le comprendre, et peut-être, doucement, tout doucement, d’en faire enfin un peu partie.

Le voyage. Découverte dans ta face de chaque instant.
Le voyage.
Plus de plafond, plus de murs.
Plus d’horaires, plus de structure.

Alors, hier, alors que je faisais bouillir une citrouille avec des pommes de terre, j’ai échangé :
Poule, on part en janvier ?
Ouais, vas-y : fais tomber ! Où ?

Trois quarts d’heure plus tard, nous avions nos billets.
L’Ailleurs. Le vrai.

L’eau a bouilli, beaucoup, longtemps, je l’ai oubliée, alors elle s’est évaporée: la citrouille a cramé, les pommes de terre ont carbonisé, les pompiers sont arrivés et la casserole est à jeter, mais moi je pars, les mecs, j’ai mes billets, je pars, tchüssi bye bye, découvrir, explorer, importance de ce mot, de sa sonorité.

Explorer l’Ailleurs. Je pars les gars. Avec mon couteau et mes blondes. Mon voile et mes girondes.

Je pars.

 

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etageres