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Narcisse était pervers...

Il paraîtrait qu’on en a tous connu un. De près, de loin, dans l’intimité.
Il paraîtrait qu’ « ils » sont partout. 10% de la société. 10% ? T’as lu ça où ? Dans un article, si, si, j’te jure.

Quelle que soit l’approximation des figures, il est vrai qu’en se penchant un peu, on finit par apercevoir… Oui, en fait. Oui, finalement.
Un. Au moins.
Ah ! Toi aussi ?
Bah oui…
C’était qui, toi ? Ton ex, ton meilleur nouvel ami ?
Ma boss…
Ah oui…

Il paraîtrait qu’ils sont partout, qu’on en fait des livres, des films. Il paraîtrait que, ne s’aimant pas, ils cherchent quelqu’un à aimer, pour mieux, en profondeur, le détruire, le faire succomber. Insuffler en l’autre le suc de haine qu’ils secrètent à l’égard d’eux-mêmes, et utilisent ensuite pour tuer, pour transformer la vie en coquille vide, en existence fantôme, en enfer calme et quotidien.

Les pervers narcissiques.

Étrange terme en vérité. Qui se traduit mal, se prononce bizarrement.
Qu’est-ce que c’est encore qu’cette histoire de jus de fruit ?
Qu’entendez-vous par « pervers », monsieur ? Serait-ce un ch’val ?

En rire, oui. Se marrer. Une fois le danger écarté.
Mais elles sont encore nombreuses à avoir ce réflexe, à regarder au fond des yeux de l’autre avec soudain, au cœur, le doute : en est-il ? c’en est un ?

Légende urbaine, terme médical, névrose analysée ? Crée-t-on par cette expression des monstres, fabriquons-nous des âmes damnées ?

En a-t-on vraiment connu ? L’était-il cliniquement, résolument ? Où commence et s’arrête la définition ? La conséquence ? Les séquelles ?

Pour ma part, je ne supporte par exemple plus de voir remise en question ma capacité à raisonner, à exprimer mon opinion. Plus de « agaga », de « toi comprendu ? ». Plus de soupirs de mépris face à moi. Plus.
Déjà, alors, je ne me laissais pas vraiment faire. Mais tout de même. Mais encore aujourd’hui. Se dresser tel le serpent pour défendre ses idées, son être, son identité. Bonne ou fausse, vraie ou mauvaise, intelligente ou hors-sujet. Le droit d’être écoutée, entendue, puis critiquée. Mais non méprisée. Mais non humiliée. Mais non écartée, femme, inférieure, sous-fifre, jeunesse. Assistante. Non.

Et les autres, les marqués.
Et les autres, les torturés.

Qui sait, qui sait, en réalité ?
Mais cette boule au ventre, mais la force de ce sentiment qui soudain tout entier nous pénètre et nous prend : Sous influence. Quelqu’un que nous aimons est entré sous influence. Devant nous, là, il existe. Il respire. On le reconnaît. On ne connaît que lui. Même visage, mêmes traits, même voix, mêmes gestes. Ou presque. Quelque chose de différent dans la manière de se tenir peut-être. Peut-être dans le ton une agressivité nouvelle. Sur la défensive, oui, c’est cela : sur la défensive. Prêt à mordre. Prêt à mordre pour défendre celui qui en lui s’est immiscé. Prêt à défendre la sangsue qui son suc vient pomper.
On le connaît, le reconnaît, mais jamais ne l’avions vu ainsi. Scindé en deux, tranché dans l’esprit. D’un côté l’éternel immuable, l’essence, le tronc, celui qui depuis toujours est, et de l’autre, ce nouveau visage, ce nouvel être, cette nouvelle pensée.
Sous influence. Celle des débuts, lorsqu’ils y croient encore.
Et qui sait, qui sait, oui, la réalité ?
Qui sait la cause de ce parasitisme vénéneux ?
Qui saisit le mécanisme, et l’horreur de la source ?
Plaindre ? Comprendre ? Analyser ?

On dit qu’après en avoir connu un, on saura les reconnaître à jamais.
Est-ce vrai ?
Ou retombera-t-on dans leurs griffes ? À eux. Eux les souffrants insoupçonnés, de la vengeance vif écorchés.
À eux qui me font peur, que je tiens loin de moi.
Mais les autres, nos aimés, nos protégés ? Les défendre, justement ? Les couver ? Les alarmer ? Les violenter, pour les tirer de là ?

Comment sortir les siens du cycle ? Comment ouvrir la porte, comment les persuader? Barre-toi, barre-toi mon pote, cours sans te retourner. Tu ne pourras jamais rien y faire. Rien. Barre-toi, cours, tu n’abandonnes pas. Tu survis, tu survis mon ami, il n’y a pas d’autre choix.

Partir, fuir, changer son numéro. Partir, mettre de la distance, ne plus avoir de contact. Partir, oublier la voix, ne plus répondre aux mots. Partir, et se demander si un jour, on saura, oui, la vérité, oui, la réalité. Partir et espérer qu’un jour, oui, libérés, un jour sur nos deux pieds.

Partir, sur les nôtres veiller.

Et vous? En avez-vous croisé?

immixtion – perversion
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Auteur·e

etageres