Amalka

«Sully» de Clint Eastwood

Eastwood choisit de revenir sur l’amerrissage en urgence sur la rivière Hudson du vol US 1549 pour poser la question de l’humain et de l’anti-héros, au cœur d’une Amérique traumatisée par le 11 septembre 2001.

Dans son deuxième film, Alejandro Gonzalez Iñárritu posait la question de savoir combien pèse l’âme humaine. Sa réponse donnait son titre au long-métrage: 21 grammes, soit le poids que perd le corps au moment de la mort, laissant penser que ces vingt-et-un grammes évaporés seraient la manifestation de l’âme, au moment où elle s’échapperait vers un au-delà espéré.

Avec «Sully», Clint Eastwood pose une question similaire, non pas dans le titre de son film, mais dans le corps de son intrigue : combien pèse le facteur humain dans une analyse scientifique et factuelle de l’amerrissage forcé d’un avion ? Quelle est la différence entre la simulation d’un ordinateur et la réalité qui prend en compte le facteur « homme » ?
Trente-cinq secondes – de quoi faire basculer le destin d’un homme.

Le 15 janvier 2009, le capitaine Chesley Sullenberger décolle de l’aéroport LaGuardia, situé dans le Queens, en direction de Charlotte, Caroline du Nord, avec le vol US Airways 1549. Alors qu’il survole la mégapole new yorkaise et admire la beauté de la skyline s’élevant au-dessus de la rivière Hudson, un vol d’oiseaux sauvages fond sur l’avion, et certains d’entre eux endommagent grièvement ses deux réacteurs, dont les passagers voient s’échapper des flammes. L’avion perd puissance, et très vite, altitude. Fort de ses 42 années dans la profession, Sullenberger, dit « Sully », réagit immédiatement et signale l’accident à l’aiguilleur du ciel. Décision la plus vraisemblable : faire demi-tour pour regagner la piste de LaGuardia. Mais l’avion continue de tomber, et le capitaine doit se résoudre à faire un choix extrêmement osé : celui de prendre la rivière Hudson comme piste d’amerrissage, en espérant parvenir à ne pas faire couler ses 150 passagers non plus que les 4 membres de son équipage.

 

Sully de Clint Eastwood

Héros ou fraude ? C’est la question que pose le film, qui revient sur cet événement extraordinaire, ainsi que sur les jours harassants qui suivirent l’amerrissage: alors que les médias et la foule acclament Sully et l’érigent en héros, le Conseil national de la sécurité des transports mène l’enquête. En choisissant d’amerrir plutôt que de rentrer à l’aéroport, le capitaine Sullenberger n’a-t-il pas pris un risque énorme qui aurait pu être évité ? Devant un panel d’experts, dont une femme (Anna Gunn de Breaking Bad), Sully (Tom Hanks, émouvant, fragile, dans un jeu minimaliste particulièrement juste) et son co-pilote Jeff Skiles (Aaron Eckhart) répondent aux questions, comme devant un tribunal: « A quand remonte votre dernier verre d’alcool ? », « Combien d’heures aviez-vous dormi dans la nuit du 14 au 15 janvier ? » « Avez-vous des problèmes personnels ? »

Clint Eastwood nous livre un film anti-catastrophe juste et équilibré, entre flashbacks du crash durant lesquels il nous est donné de vivre ce dont seules les 155 âmes présentes à bord du vol 1549 ont pu témoigner; scènes d’interrogation ou nuits de doute dans ce grand hôtel new-yorkais, espace vide et neutre par ses beiges, refuge par le bordeaux de ses rideaux, comme des paravents contre la rumeur éternelle de la ville; et aperçus du foyer de Sully avec lequel, profession de pilote oblige, il ne communique que par téléphone.

Eastwood parvient à saisir le spectateur, et à construire un film qui sache intéresser un public large et varié: un « crowd pleaser » intelligent, qui n’a pas peur d’aborder des questions sensibles et complexes, et de nous montrer la manière dont la machine fonctionne, loin de ce que nous avons pu percevoir de l’événement dans sa retransmission médiatique. En nous donnant à voir son personnage principal tour à tour comme un héros, une fraude et un anti-héros, Eastwood s’attache à traiter en profondeur de ce qui fascine le plus dans cette passionnante affaire : l’humain.

 

Sully de Clint Eastwood


« Snowden », d’Oliver Stone

Un portrait soigné, un sujet passionnant, mais un film qui manque d’émotion et de ventre: à trop vouloir s’appliquer, Oliver Stone est passé à côté de ce qui faisait la force de son personnage.

Dans le hall d’un grand hôtel à Hong Kong, une femme et un homme attendent près d’un grand dinosaure en plastique vert, scrutant la foule des passants.

Il s’agit de Laura Poitras, réalisatrice de documentaires, et de Gleen Greenwald, journaliste au «Guardian». Elle se montre optimiste : « Il va venir ! »

Entre dans le cadre un Rubik’s cube, tenu par une main qui l’active méthodiquement, selon un tempo donné. Un homme est là, le cheveu court, le regard cadré par une paire de lunettes. Un échange de phrases clefs, et les journalistes suivent l’homme, qui continue à jouer mécaniquement avec son cube, jusque dans sa chambre d’hôtel. Le signe « Ne pas déranger » est pendu à la poignée de la porte, les rideaux sont tirés. Nous sommes le 3 juin 2013, l’entretien avec Edward Joseph Snowden peut commencer.

Snowden (Joseph Gordon-Levitt), ancien employé de la Central Intelligence Agency et de la National Security Agency, qui commença par s’engager dans les US Marine Corps pour défendre son pays en Irak, est désormais condamné à se terrer dans une chambre où les portables sont immédiatement placés dans le micro-ondes, pour s’assurer que personne d’autre que les journalistes présents ne puissent enregistrer ce qu’il s’apprête à dévoiler.

« Souriez, vous êtes filmés »

Le patriote qui était prêt à offrir sa vie à son pays, le jeune informaticien surdoué à l’origine du programme de surveillance « Epic Shelter » est devenu l’un des lanceurs d’alerte majeurs de notre Histoire. Un homme prêt à tout perdre et à tout risquer, à se voir condamné à vivre en exil jusqu’à la fin de ses jours, pour révéler à son peuple et au monde la réalité du système de surveillance mis en place par le gouvernement américain.

La lutte contre le terrorisme n’est qu’une excuse: la vérité est ailleurs, dans le contrôle social et économique, et la suprématie du gouvernement américain sur le reste du monde.

En brossant le portrait de cet homme hors-norme, de cet individu qualifié de héros par certains, de traître par d’autres, de ce fervent patriote devenu apatride, on a davantage l’impression qu’Oliver Stone cherche à instruire le grand public, plutôt qu’à le toucher. Sa réalisation et son montage efficaces épousent les codes du thriller politique classique: succession de plans courts, travelling semi-circulaires, latéraux, une bande-son qui fait gonfler la tension sans la souligner de trop – Oliver Stone connaît son genre, et le maîtrise. Ses acteurs sont crédibles, professionnels, mais il manque dans tout cela une véritable émotion, malgré la vaine tentative de placer le personnage de la compagne de Snowden, Lindsay Mills (Shailene Woodley) au cœur du drame. On reste froids et distants, bien moins passionnés que lors du visionnage de «Citizenfour», le documentaire de Laura Poitras.

Le jeu autour de la thématique visuelle de la transparence et du reflet est intéressant, qui s’exprime par les plans à travers la glace, le verre, les vitres, ou la façon qu’a la caméra de balayer les surfaces noires des bureaux de la CIA, ces rectangles obscurs, dignes du carré de Malevitch, par lequel nous pourrions nous faire happer et disparaître. Les bureaux sont des espaces uniquement cloisonnés de parois contre lesquelles on pourrait buter tant elles sont translucides, et à travers lesquelles l’on perçoit les écrans et l’activité de chacun des employés.

Le film intéresse par le scandale qu’il dénonce et par la manière dont il met en scène la toute puissance du système face à l’individu (cette image de la silhouette de Snowden face au visage titanesque, projeté sur un écran géant, de Corbin O’Brian), mais l’on aurait aimé que notre personnage et son combat éveillent en nous quelque chose de plus profond, de plus physique, et de plus passionné.

 

"Snowden" d'Oliver Stone


« Don’t Breathe » de Fede Alvarez

Délices de l’angoisse

Un film d’horreur original, intelligent et efficace qui parvient à convaincre les amateurs du genre, et les autres.

Extérieur. Jour. Nous survolons la rue tranquille d’un quartier résidentiel, dans la banlieue d’une ville des Etats-Unis. Lentement, d’abord, puis plus rapidement, nous fondons vers le personnage qui remonte cette rue: un homme apparemment âgé, courbé, traînant derrière lui ce qui semble être un caddie. Mais au fur et à mesure que nous descendons, la vision se précise, et nous découvrons alors que ce ne sont pas ses courses que l’homme tire péniblement vers chez lui, mais un corps: celui d’une jeune femme, inanimée, qui laisse derrière elle un sillon de sang.

Ainsi commence le film d’horreur de l’Uruguayen Fede Alvarez, qui épouse tout d’abord parfaitement les conventions du genre: nos personnages principaux forment un trio, au sein duquel Rocky (Jane Levy), une jeune et belle blonde, fait chavirer les cœurs. Elle est la petite amie de Money (Daniel Zovatto), le garçon baraqué aux faux airs de caïd, et l’objet du désir d’Alex (Dylan Minette), jeune homme au visage d’enfant et à l’esprit scrupuleux pour un petit malfrat qui vole les clients de son père (un agent de sécurité spécialisé dans la pose d’alarmes).

Un triangle amoureux, des casses, un quartier abandonné de Détroit, et un nouveau plan: celui de toucher le gros lot, en s’attaquant à la maison d’un vétéran d’Irak devenu aveugle, dont on dit que l’Etat lui aurait remis la coquette somme de 300 000 dollars – suffisamment pour permettre à Money, Rocky et sa petite sœur de rejoindre des terres plus clémentes, et le soleil de Californie.

Une intrigue simple, des éléments de conflit relativement classiques, mais une idée originale, une réalisation, un montage et un jeu qui nous permettent de rentrer aisément dans l’histoire.

Rares sont les films du genre qui parviennent réellement à happer leur public et à le maintenir en tension véritable de par la seule force de leur intrigue, sans avoir à jouer de bruitages briseurs de tympans, qui n’effraient que de façon agaçante et artificielle. Don’t Breathe réussit là où beaucoup échouent. Porté par un scénario ingénieux et intelligent qui utilise à bon escient le moindre des détails, le film repose sur un tout bien équilibré et savamment orchestré: on croit aux personnages, on partage leur peur et leurs réactions, on aime la façon dont le décor est utilisé dans ses moindres recoins pour faire avancer l’histoire et monter la tension.

Autre qualité majeure du film: un regard ironique, une manière consciente de jouer avec la lutte constante de chaque personnage face aux différents obstacles, pour faire jubiler le public. Don’t Breathe ne s’en tire pas par de mauvaises galipettes, évite les explications psychologiques aussi bavardes que gênantes, et fait fonctionner le suspense.

Alvarez prend le parti de l’ironie, en faisant notamment jouer un véritable rôle à sa caméra dans le début du film, lorsqu’elle se promène de manière indépendante dans la maison du vétéran, pour nous signaler à nous, spectateurs, les différents pièges que nos personnages devront affronter, avant même que ces derniers n’en soient conscients. Ce faisant, il nous inscrit dans une relation de complicité avec cette caméra-narrateur omniscient, nous met dans la confidence, et nous permet de nous réjouir et de trembler à la fois, dans une attente délicieuse des horreurs à venir.

Un film qui célèbre le genre auquel il appartient, et parvient à satisfaire les différentes composantes de son public, depuis les aficionados jusqu’aux plus réticents.

 

Don't Breathe, de Fede Alvarez


“La fille inconnue”, de Jean-Pierre et Luc Dardennne

Sélectionné en Compétition Officielle à Cannes, le film pèche par un excès de réalisme, sans toutefois se départir complètement de ce qui a fait la grandeur du cinéma des Frères.

Après Deux jours, une nuit, qui avait séduit le public et la Croisette en 2014, les frères Dardenne choisissent de retravailler avec une actrice française dans le rôle principal: Adèle Haenel (qui, comme Marion Cotillard, peine à prendre un accent belge constant) incarne le docteur Davin, jeune médecin généraliste passionnée par son métier.

Un soir, plus d’une heure après la fermeture, alors que Davin fait la leçon à son stagiaire en lui reprochant d’être l’otage de ses émotions, on sonne à son cabinet: elle refuse d’ouvrir, rétorquant à son stagiaire scandalisé qu’ils ne peuvent pas prendre le risque de travailler sous l’emprise de la fatigue.

Mais le lendemain, la police se présente: une femme a été retrouvée morte, sur le chantier en face, et les images vidéo enregistrées par la caméra de surveillance du cabinet montrent que c’était elle qui avait sonné la veille, alors qu’elle tentait visiblement d’échapper à quelqu’un.

Rongée par le remords, incapable de vivre avec l’idée qu’elle aurait sauvé cette femme en lui ouvrant la porte, Davin se met à enquêter auprès de ses patients, afin de retrouver l’identité de la fille inconnue, pour prévenir ses proches et lui offrir une sépulture à son nom.

Dans Deux jours, une nuit, Marion Cotillard allait sonner aux portes de chacun de ses collègues, pour tenter de les convaincre de renoncer à leur prime pour lui permettre de garder sa place à l’usine. Dans «La fille inconnue», c’est un parcours similaire que suit le docteur Davin, en se rendant chez ses différents patients pour leur montrer, entre deux prescriptions, la capture d’écran de la mystérieuse inconnue.

Multiplications de semblables séquences: Adèle Haenel sonnant à l’interphone; Adèle Haenel dans sa voiture sillonnant la banlieue de Liège; Adèle Haenel lors de longs silences au téléphone. A force de vouloir plonger leurs spectateurs dans un réalisme accru, on pourrait se demander si les frères Dardenne n’ont pas perdu ce qui faisait la magie de leur cinéma. Car à trop vouloir faire d’un film une reproduction exacte de la vie, on finit par perdre ce qui fascine dans le septième art, et par reproduire le quotidien dans ce qu’il peut avoir de légèrement caricatural.

Adèle Haenel est juste, dans son jeu minimaliste, mais cette direction d’acteurs ne sied pas à tout le monde, et la scène finale sonne particulièrement faux.

On aurait également pu débarrasser le film de certaines longueurs qui se ressentent surtout dans son dernier quart, et dans les répétitions d’action et de décors.

Toutefois, il continue de se dégager du cinéma des frères Dardenne quelque chose d’atypique et de particulier, qui parvient à nous happer – un ton, une tenue, une tension dans chaque scène, qui attisent notre désir d’en apprendre plus, et de suivre ces personnages qui nous touchent malgré tout: ce paradoxal Docteur Davin, qui sermonne son stagiaire quant à son émotivité, mais se laisse elle-même complètement submerger par son remords; qui dort dans son cabinet et ne semble vivre que pour ses patients, mais n’hésite cependant pas à user de son pouvoir de médecin pour les manipuler, lorsqu’elle pense pouvoir leur soutirer des informations, en profitant de la défaillance du cœur de l’un, du dos bloqué de l’autre, de l’indigestion chronique d’un troisième, pour parvenir à ses fins et découvrir la vérité.

Les thématiques de l’empathie, de l’émotion et du remords hantent le film, ainsi que les rapports hommes-femmes, et l’on peut se demander si le Docteur Davin n’a pas choisi d’étudier la médecine pour les mêmes raisons que son stagiaire, elle que la violence semble terroriser.

Si la magie n’opère pas parfaitement, et que l’on est davantage dans l’analyse critique que dans l’émotion au sortir de la salle, il demeure toutefois dans ce cinéma une maîtrise qui a fait la réputation des frères Dardenne.

 

"La fille inconnue" avec Adèle Haenel


« On est toujours le nègre de quelqu’un » – « Free State of Jones » de Gary Ross

Un sujet passionnant, original et nécessaire, et un acteur principal de talent, malgré sa tendance à vouloir faire de son personnage un être sans faille aucune.

Les Tranchées, les baïonnettes, le cuir, la terre, les barbes et les cheveux, les branches et les sacs de sables ; le gris-bleu des yeux, des gourdes et des costumes des Confédérés ; le cliquetis des armes, le grondement des pas, le sifflement des balles et le tremblement du canon, au loin.

Nous sommes en 1862, en pleine guerre de Sécession.

Lorsque le tout jeune Daniel se fait tuer devant lui, Newton Knight décide de quitter le front, pour ramener le corps du petit là où il appartient: chez sa mère. Il charge sa mule et entreprend de traverser plaines et forêts, pour rentrer dans son comté.

Là, il décide de rester: cette guerre n’est pas la sienne, la cause que défendent les Sudistes ne fait pas de sens à ses yeux, il ne se battra par avec eux.

Mais les Confédérés ne l’entendent pas ainsi, et patrouillent la campagne avec leurs chiens, à la recherche des esclaves, et des déserteurs.

Bien vite, Newton doit se réfugier dans les marécages, ces espaces de nature sauvage dans lesquels les magnifiques arbres du Sud se reflètent dans les marais dormants, parfois recouverts d’un léger tapis de mousse ou de feuilles vertes. La lumière y pénètre à travers les branchages et illumine les troncs, les branches, pour finir en étincelles changeantes à la surface de l’eau.

Là, Newton rejoint un petit groupe de quelques esclaves qui caressent le rêve de vivre libres. L’un d’entre eux, Moses (Mahershala Ali), porte encore autour du cou le lourd collier de métal qui le retenait prisonnier, agrémenté de quatre pics de fer acérés qui lui encadrent la tête et le visage, et l’empêchent de s’allonger, la nuit.

C’est ici que Newton va fonder son camp à lui, un camp de réfugiés, de déserteurs, de « nègres », les « Free Men of Jones’ County » qui refusent la guerre et la folie des hommes, pour vivre égaux et libres, hommes, femmes, noirs et blancs réunis.

Si le film est relativement long, l’originalité de son sujet intrigue et intéresse: tiré de faits réels, il s’intéresse à la question de l’égalité entre blancs et noirs sous un angle nouveau, en suivant l’idéal de cet homme farouchement déterminé qu’était Newton Knight.

Matthew Mac Conaughey (Oscar du Meilleur Acteur pour Dallas Buyers’ Club) qui avait déjà prouvé combien il savait incarner un homme du Sud, avec son flegme et sa voix profonde à l’accent traînant, dans la série True Detective, confirme son talent malgré un personnage un peu trop parfait pour être parfaitement crédible: rebelle, défenseur d’une cause juste, altruiste, courageux, il ne présente aucune faille, et malgré la noblesse de son combat, en devient un peu trop lisse pour être vraiment réaliste.

Toutefois, l’acteur reste remarquable dans son art de la retenue, et cette manière qu’il a de vivre les émotions de l’intérieur, dans une énergie puissante et introvertie.

Si le réalisateur Gary Ross (Hunger Games) ne parvient pas à gommer ce que son Newton Knight a de trop christique, les faits auxquels il s’attelle restent marquants, essentiels et continuent de nourrir l’actualité, comme celui, passionnant, de la lutte des Noirs Américains pour accéder au droit de vote, ou encore le procès dont fut victime l’arrière petit-fils de Knight dans les années quarante, lorsque l’Etat ségrégationniste du Mississipi lui interdit de se marier avec une femme blanche, parce qu’il avait un huitième de sang noir dans les veines.

 

Matthew McConaughey (center) and Mahershala Ali (center left) star in THE FREE STATE OF JONES


« Toni Erdmann », de Maren Ade

Les jeux de l’amour et de la filiation

Rares sont les films qui abordent la relation père-fille.
Maren Ade, qui nous avait déjà livré avec Alle Anderen un film d’une remarquable justesse et d’une vraie subtilité, s’attelle à explorer ce sujet original, universel et particulier dans son nouvel opus Toni Erdmann et, avec la finesse qui la caractérise, nous offre un film à la fois drôle, savoureux, troublant et émouvant.

Le film qui fut présenté en compétition officielle à Cannes en mai dernier, ne remporta pas la Palme d’Or comme nombreux des festivaliers s’y attendaient, mais pu se consoler avec le prix FIPRESCI d’une critique internationale unanime. Acclamé en Allemagne comme en France, Toni Erdmann représentera l’Allemagne dans la course aux Oscars, et figure d’ores et déjà au classement de la BBC des 100 meilleurs films du siècle.

Dès les premières minutes du film, nous voilà plongés dans l’univers de notre personnage principal : lorsque Winfried Conradi (excellent Peter Simonischek) ouvre sa porte à un livreur de colis postal, il est vêtu d’une chemise rose pâle, aborde un sourire aimable, et s’empresse de mettre aussitôt le livreur dans la confidence – c’est sans doute son frère, Toni, qui a dû à nouveau se commander quelque chose sur un site internet louche.
Il explique à voix basse que ce dernier sort de prison et n’a apparemment plus toute sa tête : la veille, il est même allé jusqu’à manger la nourriture du chien! Le livreur ne laisse rien paraître, continue de se tenir bien droit, pâlit seulement en entendant Winfried appeler Toni.
Les voix des deux hommes se répondent à l’intérieur de la maison, jusqu’à ce que le frère, le fameux Toni Erdmann apparaisse : dents abîmées et proéminentes, chemise noire ouverte sur son torse imposant, lunettes de soleil aux montures colorées et menottes encore attachées à ses poignets, il mâchouille une banane et demande au livreur ce que le colis peut bien être.

La mascarade ne dure pas longtemps et Winfried tombe rapidement le masque : Toni Erdmann, c’est lui, un double clownesque, dont il se sert pour extraire les autres et lui-même de la routine, du train-train, des obligations par lesquelles on se laisse dominer et qui finissent par nous faire oublier le véritable goût de la vie.
Un goût que la fille de Winfried, Inès (parfaite Sandra Hüller), semble avoir complètement perdu.

Devenue businesswoman affairée, conseillère auprès de compagnies pétrolières à Bucarest, celle que son père nomme encore «Spaghetti » préfère prétendre être en conversation imaginaire sur son smartphone plutôt que de passer du temps avec les siens.

Toni Erdmann, Maren Ade
© Komplizen Film | Winfried (Peter Simonischek) grimé en Toni Erdmann pour renouer avec sa fille Ines (Sandra Hüller).

Face à ce père qui aime rire, faire des blagues en toutes situations, même les moins appropriées, avec un flegme désarmant et un vrai sens du jeu et de la mascarade, Inès joue elle aussi un rôle, bien différent cependant : elle est cette femme au sourire forcé, au tailleur bien repassé, qui arpente la vie sur des talons trop hauts jusqu’à « l’huile » (ainsi que les nommait Albert Cohen dans Belle du Seigneur) dont elle devra se faire remarquer lors d’un cocktail à l’Ambassade des États-Unis, ou autour d’un drink au lounge/bar/piscine de l’un des five star hôtels de la capitale roumaine.

Mais voilà que débarque, dans sa vie rythmée par le diktat du business et du contrat à signer (un diktat qui se résume le plus souvent à devoir jouer les conseillères ès achats auprès des « femmes de », ou à accompagner une délégation étrangère dans l’un des bruyants clubs de la ville), à la porte de son appartement luxueux, fonctionnel et froid, Toni Erdmann, sa perruque, ses fausses dents, ses coussins péteurs et sa volonté de changer le cours des choses.

Choc de deux mondes : un père et sa fille, approches opposées de la vie. « Es-tu heureuse ? » demande Winfried à Inès, « heureuse ! C’est un mot très fort ! ». « Est-ce que tu t’amuses dans la vie ? », « tu veux dire : si je vais au ciné ou ce genre de choses… ? »

Dans un scénario admirablement écrit où tout fait sens (silences comme texte), avec un duo d’acteurs qui fonctionne à merveille, Maren Ade bouscule la vie de cette jeune femme soumise au jeu des apparences, des conventions, du respect des normes et des codes, en la confrontant à son père, ce Winfried/Erdmann au sens du comique et de la liberté débordant. Un homme qui va tour à tour horripiler, insupporter et terriblement gêner sa fille, mais qui parviendra peut-être à réveiller en elle ce qui lui reste du quelque chose qu’il lui avait légué.

Un film qui célèbre l’humour, la liberté, la vie, la fantaisie, ainsi que l’amour entre un père et sa fille, et parvient à faire du clownesque un art et une révolution.

 


« Jason Bourne » de Paul Greengrass

En acceptant de réaliser un ultime épisode de la saga Bourne, Greengrass perd ce qui faisait la force de son personnage et de son intrigue.

«I remember… I remember everything…»

C’est malheureusement par ces paroles, que Jason Bourne prononçait dans The Bourne Ultimatum (2007), que s’ouvre aussi le dernier volet de la saga.

Après s’être longtemps fait prier par Universal, Paul Greengrass – qui avait réalisé les épisodes 2 et 3 de la trilogie originale – a fini par accepter de s’attaquer à un quatrième opus avec Matt Damon/Jason Bourne, et non pas à une nouvelle et vaine tentative de spin-off comme The Bourne Legacy en 2012, qui n’était pas parvenue à convaincre les fans.

Malheureusement, ce qui faisait le sel de l’histoire et du personnage de Bourne est bel et bien mort durant The Bourne Ultimatum: Bourne a recouvré la mémoire, il connaît désormais son nom véritable – David Webb – et ce qui sous-tendait l’intrigue des trois volets précédents, n’est plus.

Notre héros n’a plus à se traquer lui-même d’une capitale à l’autre pour comprendre qui il est, ce qu’il a fait, ce qu’on veut de lui, et pourquoi il est l’homme surentraîné qu’il se découvre être.

Depuis que la lumière a été faite sur son identité véritable, le personnage a perdu de son charme, et la saga de son éclat. Une seule possibilité s’offrait donc aux scénaristes: retourner aux prémices de l’opération Treadstone, et aller chercher une tension dans des problématiques plus convenues – en choisissant de faire découvrir à Bourne que c’est son propre père qui était à l’origine de la fameuse opération.

On retrouve dans cet opus les éléments classiques de réalisation qui firent le succès des précédents épisodes: un montage très dynamique et rythmé, un choix de plans efficace, une réalisation vivante et énergique. On oppose à nouveau l’agitation des rues des différentes capitales européennes au silence feutré des bureaux de la CIA, avec leurs tables en acajou ovales autour desquelles se tiennent des réunions urgentes, avec la faible luminosité bleutée qui s’échappe des écrans, pour nimber d’un clair obscur azur le visage des agents.

Heather Lee est l’une d’entre eux: incarnée par la ravissante Alicia Vikander, que l’on avait notamment repérée dans The Danish Girl et dans Ex Machina, elle est sans doute le personnage le plus intéressant de ce nouvel épisode. Une ambitieuse, déterminée à parvenir à ses fins, qui se laisse malgré tout troubler par la personnalité de Bourne. Son personnage, empreint d’une certaine dualité, est bien plus intéressant que l’«Atout», le tueur engagé par la CIA pour mettre fin aux jours de Bourne. Greengrass lui a donné les traits de Vincent Cassel, pour en faire le prototype du parfait tueur de sang froid, sans véritablement s’intéresser à de potentielles capacités de nuances dans le jeu de l’acteur.

D’Athènes à Londres, en passant par Berlin ou Reykjavik, Bourne continue de sillonner la planète avec toujours le bon tour dans son sac pour se tirer des situations les plus périlleuses. Mais le charme n’opère plus. Malgré des courses-poursuites toujours aussi savamment réalisées, et un vrai savoir-faire dans la mise en scène de l’action, ce qui faisait la saveur et la particularité des opus précédents a disparu.
On regrette l’humour de la trilogie passée, ainsi que le personnage original auquel nous nous étions attachés: cette force de la nature faillible, ce super héros qui ne savait plus comment il se nommait.

 

Jason Bourne Paul Greengrass


Babouchka

Elle avait la main, les deux mains couvertes de taches rouges, sombres, comme du vin

Une allergie

Je les lui caressais

En lui traduisant ce poème, que l’on entendait:

 

En el tronco de un árbol una niña,

grabo su nombre henchida de placer

Y el árbol conmovido allá en su seno,

a la niña una flor dejo caer.

 

Elle portait un chignon,

Avait l’air d’une jeune fille.

Plus tard, à l’hôpital, ils lui feraient une longue tresse comme je ne lui en avais jamais vue.

Une tresse de contes, de tours, et d’échappée belle.

 

Papa m’appelle.

Il n’a jamais eu l’accent tchèque.

Il a une voix grave que je ne lui connais pas.

Je sens qu’il fait attention, à tout, au ton, aux mots, qu’il emploie.

« Le coeur a lâché. »

Devant moi s’élève la cathédrale Храм Христа Спасителя

L’air frais d’un mois de juillet en Russie.

« C’est fini. »

 

Dans son bain, dans une tour à Prague,

Le petit garçon observe ses doigts flétris par l’eau chaude

Il prend le pommeau de la douche,

Et de sa voix cassée par les larmes,

Appelle sa grand-mère.

 

“Allo Babouchka ?

Eto ja, Kolya.

Tu m’entends ?

On est venus te voir mais tu n’étais pas là.

Reviens, Babouchka.”

 

Au-dessus d’une petite église orthodoxe, dans une nouvelle ruelle de Moscou,

Cinq ballons rouges

Cinq coeurs

Comme ses cinq enfants

Cinq coeurs rouges comme le sien

S’envolent.

 

Nous sautions dans les vagues par gros temps

Lorsque la mer et le ciel se confondaient dans ce gris plomb

Et que l’écume brassait les méduses

Venues nous fouetter le sang.

 

Je ne prendrai pas le Transsibérien.

Je rentrerai.

 

Je rentrerai retrouver ma grand-mère.

Lui chanter les vagues, le poème cubain,

Le petit garçon russe qui l’appelle dans son bain,

L’accompagner du requiem de Fauré,

Lui écrire le journal imaginaire de notre voyage inventé,

Dans les plaines de Sibérie, les collines de Mongolie,

Oulan-Bator et le lac Baïkal,

La crème sur les blinis posés contre le bol brûlant du bortsch

Et le fumet du samovar.

 

ба́бушка

ба́бушка моя́.

 

 

Kolya - Jan Svěrák


«Race» de Stephen Hopkins

« Race », ou la couleur du politiquement correct

Un scénario très hollywoodien et une étrange manière d’aborder un sujet complexe et fascinant, pour un film qui, la plupart du temps, ennuie ou dérange, malgré des acteurs de talent.

La couleur du politiquement correct est un duo bleu-gris/cacao. C’est en tout cas avec cette palette chromatique que s’ouvre le nouveau film de l’Américain Stephen Hopkins, dédié à l’athlète noir Jesse Owens, qui remporta quatre médailles d’or lors des Jeux Olympiques de 1936, à Berlin.
Bleu-gris pour les poubelles, la nuit, le reflet de la bouilloire qu’un clochard tient près de lui; cacao pour la chaleur de l’intérieur de la famille Owens, et la couleur de peau de ses membres, réunis pour saluer Jesse, en âge de partir à l’université. Il s’y fera remarquer par le coach Lawrence Snider, qui l’entraînera pour les Jeux Olympiques.
Sujet passionnant, période trouble de l’Histoire mondiale qui vit un athlète noir se rendre en Allemagne nazie, alors que les rafles avaient déjà commencé, et que l’on menaçait d’interdire aux sportifs de couleur de participer aux Jeux, au même titre qu’aux Juifs.
Si Stephan James (Jesse Owens) est attachant, si le duo qu’il forme avec Jason Sudeikis (Larry Snider) fonctionne, les choix du réalisateur déçoivent, ennuient souvent, et dérangent parfois.
Le film est long (2h03) et le scénario très hollywoodien comporte de nombreuses platitudes: on s’attarde sur des épisodes de la vie d’Owen qui n’ont que peu d’intérêt – son aventure avec Quincella, la reconquête de son épouse – ou qui débordent de bons sentiments – la discussion avec l’athlète allemand Carl Ludwig Long…
Certaines séquences parviennent tout de même à nous replonger dans le récit, notamment grâce au rythme et à la puissance des scènes de compétition, qui nous permettent de vivre les enjeux du film de manière bien plus véritable et forte que lors des débats d’idées désincarnés.
En voyant Owens pénétrer dans le stade olympique de Berlin, lors d’un trois-cent soixante degrés vertigineux durant lequel les «Sieg Heil» de la foule deviennent les battements d’un cœur démoniaque, nous plongeons dans cette période de l’Histoire et ressentons à la gorge l’émotion qui dût s’emparer d’Owens, lorsqu’il éprouva physiquement la responsabilité qui lui incombait de remporter la victoire et de défier la logique nazie, en représentant non seulement la population de couleur mais également tous les opprimés, et en particulier les Juifs.
Malheureusement, le film ne comporte que de rares moments de cette force. Il est assez ironique de voir la manière dont Hopkins choisit de traiter la figure historique de la cinéaste Leni Riefenstahl: celle qui fut la plus importante réalisatrice de films de propagande nazie est ici prête à tenir tête à Goebbels, dans le seul but d’immortaliser la gloire des athlètes, sans songer à celle du Führer – c’est du moins ce qu’elle laisse entendre à Owens, dans son anglais à l’accent germanisant terriblement forcé.
Le reste du temps, Hopkins caricature les Nazis (avec un Barnaby Metschurat, d’habitude bon acteur, particulièrement irritant dans son interprétation figée et répétitive de Goebbels) et fait scander à ses sportifs: «USA! USA!», alors même que les Etats-Unis viennent de décider d’écarter leurs athlètes juifs, et bien qu’ils ne reconnurent par la suite jamais officiellement les victoires de Jesse Owens – un fait crucial qu’Hopkins se contente d’évoquer lors d’une ultime incrustation dans la séquence finale de son film, alors que c’était là le cœur de son sujet.

 

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« The Big Friendly Giant » de Steven Spielberg

Sur l’écran noir de nos rêves d’enfants – « The Big Friendly Giant »

En adaptant le roman pour enfants de l’écrivain britannique Roald Dahl, Steven Spielberg se confronte à l’un des écueils les plus périlleux: mettre en images un univers merveilleux qui a marqué l’imaginaire et l’inconscient de chacun des jeunes lecteurs, aujourd’hui adultes.

Pour qui a lu le roman de Roald Dahl, la perspective de voir le conte du Bon Gros Géant transposé à l’écran effraie: comment retrouver ce qui faisait la merveille du livre et de l’univers si particulier que nous nous étions chacun imaginé?
La facture très « Disney » du début du film n’est pas des plus rassurantes, et rappellerait plutôt dangereusement «Hook»: nous sommes à Londres, survolons les rues et le pavé encore brillant de la dernière pluie, entendons la rumeur d’un pub et les clameurs des habitués passablement soûls, avant de pénétrer dans l’austère atmosphère d’un orphelinat plongé dans la nuit, où une vieille femme acariâtre, qui n’échappe pas à l’association obligatoire bigoudis-peignoir, monte la garde.
Une petite, cachée sur le palier dans sa couverture, la suit discrètement. C’est Sophie, dont la voix off tente de nous replonger dans l’atmosphère du livre. Mais on peine à le faire, tant ces premières minutes sont convenues, habituelles: les portes qui grincent, la musique, entraînante mais très présente, la bravoure ostentatoire de la petite fille qui ne craint pas de rappeler à l’ordre les hommes en état d’ébriété, les mimiques appuyées, les chats errants, les poubelles renversées… Rien de très nouveau ni de très passionnant.
Mais soudain apparaît derrière les carreaux une ombre, et quelque chose change: le Bon Gros Géant est là, sous les traits de Mark Rylance, et ce grand front, ce bon sourire, ce regard tendre, cette maladresse touchante, ce timbre affectueux, nous touchent et nous radoucissent.
Tout n’est pas réussi dans «Le Bon Gros Géant» de Spielberg: le personnage de Sophie (Ruby Barnhill) est relativement insignifiant; certains plans et effets spéciaux peinent à entretenir l’illusion, et la direction d’acteurs est parfois très convenue, mais il se dégage tout de même de ce Rylance géant-là une bonté véritable, quelque chose qui nous rappelle les émotions éprouvées enfant, quand nous manions lampe de poche et draps pour secrètement continuer de dévorer les pages.
Ce sont avant tout les retrouvailles avec les néologismes et les idées de Dahl qui nous réjouissent: redécouvrir le « Snozzcumber », ce légume peu ragoutant que nous avions oublié ; ou le « Frobscottle », boisson aussi verte que pétillante dont les bulles descendent au lieu de monter, et qui produit, lorsqu’on la boit, un délicieux « Whizpopping », expression ultime de la joie de vivre.
Si Spielberg ne parvient pas à transmettre toute la magie, la saveur et l’originalité du roman de Dahl, son acteur principal et l’univers qu’il construit autour de l’onirisme lui permettent toutefois d’offrir un plaisant hommage à l’auteur britannique, à sa littérature, ainsi qu’au septième art: notre géant est un chasseur de songes, et son repère, une nouvelle caverne de Platon, un théâtre d’ombres chinoises colorées, dans lequel Sophie et le BGG s’affairent à concocter le songe parfait, le récit ultime, un rêve projeté sur les murs de la grotte, dans une allégorie et une célébration de l’art de raconter de belles histoires.

 

The Big Friendly Giant - Steven Spielberg