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« Jason Bourne » de Paul Greengrass

En acceptant de réaliser un ultime épisode de la saga Bourne, Greengrass perd ce qui faisait la force de son personnage et de son intrigue.

«I remember… I remember everything…»

C’est malheureusement par ces paroles, que Jason Bourne prononçait dans The Bourne Ultimatum (2007), que s’ouvre aussi le dernier volet de la saga.

Après s’être longtemps fait prier par Universal, Paul Greengrass – qui avait réalisé les épisodes 2 et 3 de la trilogie originale – a fini par accepter de s’attaquer à un quatrième opus avec Matt Damon/Jason Bourne, et non pas à une nouvelle et vaine tentative de spin-off comme The Bourne Legacy en 2012, qui n’était pas parvenue à convaincre les fans.

Malheureusement, ce qui faisait le sel de l’histoire et du personnage de Bourne est bel et bien mort durant The Bourne Ultimatum: Bourne a recouvré la mémoire, il connaît désormais son nom véritable – David Webb – et ce qui sous-tendait l’intrigue des trois volets précédents, n’est plus.

Notre héros n’a plus à se traquer lui-même d’une capitale à l’autre pour comprendre qui il est, ce qu’il a fait, ce qu’on veut de lui, et pourquoi il est l’homme surentraîné qu’il se découvre être.

Depuis que la lumière a été faite sur son identité véritable, le personnage a perdu de son charme, et la saga de son éclat. Une seule possibilité s’offrait donc aux scénaristes: retourner aux prémices de l’opération Treadstone, et aller chercher une tension dans des problématiques plus convenues – en choisissant de faire découvrir à Bourne que c’est son propre père qui était à l’origine de la fameuse opération.

On retrouve dans cet opus les éléments classiques de réalisation qui firent le succès des précédents épisodes: un montage très dynamique et rythmé, un choix de plans efficace, une réalisation vivante et énergique. On oppose à nouveau l’agitation des rues des différentes capitales européennes au silence feutré des bureaux de la CIA, avec leurs tables en acajou ovales autour desquelles se tiennent des réunions urgentes, avec la faible luminosité bleutée qui s’échappe des écrans, pour nimber d’un clair obscur azur le visage des agents.

Heather Lee est l’une d’entre eux: incarnée par la ravissante Alicia Vikander, que l’on avait notamment repérée dans The Danish Girl et dans Ex Machina, elle est sans doute le personnage le plus intéressant de ce nouvel épisode. Une ambitieuse, déterminée à parvenir à ses fins, qui se laisse malgré tout troubler par la personnalité de Bourne. Son personnage, empreint d’une certaine dualité, est bien plus intéressant que l’«Atout», le tueur engagé par la CIA pour mettre fin aux jours de Bourne. Greengrass lui a donné les traits de Vincent Cassel, pour en faire le prototype du parfait tueur de sang froid, sans véritablement s’intéresser à de potentielles capacités de nuances dans le jeu de l’acteur.

D’Athènes à Londres, en passant par Berlin ou Reykjavik, Bourne continue de sillonner la planète avec toujours le bon tour dans son sac pour se tirer des situations les plus périlleuses. Mais le charme n’opère plus. Malgré des courses-poursuites toujours aussi savamment réalisées, et un vrai savoir-faire dans la mise en scène de l’action, ce qui faisait la saveur et la particularité des opus précédents a disparu.
On regrette l’humour de la trilogie passée, ainsi que le personnage original auquel nous nous étions attachés: cette force de la nature faillible, ce super héros qui ne savait plus comment il se nommait.

 

Jason Bourne Paul Greengrass

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etageres