Crédit:

« Life » d'Anton Corbijn

Corbijn s’attache à saisir un instant de la vie de James Dean, à l’aube de sa gloire, et à travers le reportage photo qui contribua à faire de lui une icône.

 

Le grésillement d’une ampoule rouge nous illumine dans l’obscurité. A la radio est annoncé le titre du moment : « I’m wild about you baby » de Lightin’ Hopkins. Et l’ambiance est posée.

Nous sommes à L.A. dans les années 50, Robert Pattinson est au volant d’une belle voiture, la moue boudeuse, l’attitude détachée, et derrière lui scintillent les lumières de la ville.

Malgré ce visage désinvolte à la Marlon Brando, ce n’est pas sur ce visage que les caméras de l’époque sont braquées, c’est lui qui braque. Pattinson est Dennis Stock, un jeune photographe qui cherche à lancer sa carrière, et à devenir l’artiste qu’il se sait être.

Il ne veut plus grossir les rangs des « gorilles de tapis rouge » qui crient les noms des vedettes pour en apercevoir le sourire. Il veut créer la légende, et la devenir.

Invité à la soirée de Nicholas Ray qui s’apprête à tourner Rebel Without A Cause, Stock fait la connaissance d’un jeune acteur qui débute à peine; un dénommé James Dean. Cette voix, ce regard, cette pureté le marquent. Il convainc son éditeur de réaliser une série de portraits autour de cet homme aux allures de Rimbaud.

Quel défi pour Dane DeHaan ( Chronicle ) que d’interpréter à l’écran celui qui fit se languir des générations de spectatrices! Jouant avec la lumière, les clairs-obscurs, et la fumée de cigarette qui toujours nappe de glamour la figure du jeune premier, Corbijn tente de recréer la grâce qui émane des clichés de Stock. Mais James Dean est inimitable, et l’on a du mal à chasser la pensée que DeHaan s’applique et veut trop bien faire, lorsqu’il pousse sa voix dans les aigus, tente de retrouver une moue, un geste, une intonation. Malgré son talent, il n’y aura pas de ressuscitation.

Le choix de Corbijn de donner à voir un instant précis de la vie de Dean, à travers le reportage de Stock, était un parti pris intéressant, qui permettait de ne pas livrer au public un simple biopic, mais de véritablement explorer un monde et une époque, à travers deux existences se reflétant l’une l’autre: celle du photographe, ex-mari, mauvais père, vampire en quête de chair fraîche et de gloire, et de celui qui, à sept mois de sa mort, tentait encore de saisir le sens de la vie, loin d’Hollywood et des plannings de promotion.

Car ce qui contribua à faire de Dean la légende qu’il devint fut précisément ce reportage pour «Life», et Corbijn, lui-même ex-photographe rock, nous invite à en pénétrer les coulisses.

Mais lorsque deux êtres en quête d’eux-mêmes se retrouvent cloitrés dans une ferme enneigée de l’Indiana, il y a comme un flottement, et la beauté des images qu’en tira Stock ne suffit pas à créer une narration solide.

On s’ennuie un peu et l’on finit par espérer que bien vite reviendront les lumières et l’excitation des grandes villes.

Le film ne parvient pas à rattraper ces longueurs, et à réinsuffler de la vie dans l’intrigue.

Nous n’apprendrons pas à connaître l’amour de Dean pour cette vitesse qui allait le tuer, au contraire: on retiendra de lui la rencontre avec une âme déjà âgée, hantée par le désir de retrouver les siens; des retrouvailles qui n’auront plus jamais lieu, mais que le reportage de Stock immortalisa pour la dernière fois.

 nico7martin

Partagez

Auteur·e

etageres