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"Knight of Cups" de Terrence Malick

Knight of Cups, ou en bon français, Chevalier Armani des coupes de Dom Pérignon.

Avec «Knight of Cups», présenté en février dernier à la Berlinale, Terrence Malick finit par irriter son public, dans une auto-parodie agaçante et sans fond.

 

Le film s’ouvre, comme d’habitude chez Terrence Malick, sur un plan large d’un paysage sublime. La roche, le ciel, l’immensité de la nature. Christian Bale est seul face à la beauté de la création.

La photographie est prenante, les cadres et décors sélectionnés avec soin : Los Angeles, Las Vegas, Hollywood et les piscines de roof top parties.

Christian Bale est Rick, un scénariste américain à succès, dont la vie a perdu son sens. Flottant dans son univers d’enfant blanc privilégié comme un poisson sous Xanax, il avance, dépourvu d’expression, dans de vastes espaces, sans que jamais rien ne semble l’atteindre ou l’affecter.

Les jump cuts et la caméra mouvante – qui passe et s’éloigne et revient pour repartir encore – ne nous laissent jamais vraiment nous approcher des personnages ou entrer en empathie avec eux, et nous avons l’impression d’être une sorte d’esprit venu saisir la vie à travers une série de flashs, d’images, de sons. Et toujours, partout, une voix off, celle des différents personnages que l’on nous présente, et qui nous livrent un monologue intérieur et chuchoté truffé d’inepties sur la vie.

Autour de Christian Bale, pauvre petit garçon riche en quête d’un paradis perdu, se succèdent et se ressemblent les plus belles femmes du monde – Imogen Poots, Teresa Palmer, Freida Pinto, Natalie Portman, ainsi qu’une ribambelle de mannequins en sous-vêtements. Elles sont fraîches, comme sorties des pages du dernier «Vogue», l’œil charbonneux, la coiffure savamment ébouriffée, elles se trémoussent sur des lits d’hôtels en gloussant, marchent sur des murets, courent le long des plages.

Si le film est composé en chapitres, c’est bien à l’éternelle répétition d’une même scène que se livre ici Malick, qui semble n’avoir comme aspiration que de filmer un Bale mono-expressif, la bouche légèrement entrouverte, qui évolue (sans évoluer) dans de fastueux décors avec autour de lui une ronde de créatures sautillantes et légères, sur le même air de clarinette.

Seule l’apparition de Cate Blanchett vient rompre cet écœurant manège – il y a là une émotion, une grâce, un corps qui raconte une histoire. Mais bien vite elle disparaît, et nous retournons à des scènes survolées, mille fois répétées : ainsi le drame familial qui se joue entre Rick, son père (Brian Dennehy) et son frère (Wes Bentley) ne nous parvient qu’étouffé, dans une mise en scène caricaturale – larmes, cris, bris d’assiettes et de verres – et Barry le frère s’escrime à se piquer la main avec une fourchette en répétant « I wanna feel something ».

On a l’impression de regarder la vie depuis un aquarium étanche à toute émotion, et l’impeccable photographie d’Emmanuel Lubezki ne parvient pas à sauver les meubles, si design soient-ils.

Un portrait du vide ? On aurait aimé y croire. Mais c’est là tout le paradoxe de Malick qui, s’il désirait, à travers son film, critiquer le vide et la superficialité de notre société occidentale, a fini par y contribuer, en produisant lui-même un film creux, prétentieux, et superficiel.

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Auteur·e

etageres