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Fantom Umzug

Je décroche la moitié de la sphère bleue accrochée au clou, tout en haut, contre le plafond.

“Ist das Kunst oder kann das weg?”, se moque l’employé de la société que nous ne payons pas, qui nous a été imposée.

Par terre, de la poussière qui se mêle aux cheveux, de la mitraille et des confettis. Plein.

Nous quittons l’appartement.

Banana Jo a été emporté, Gulliver est décédé, c’est Serge qui l’a remplacé, et Hip & Hop, les deux bambous, survivront peut-être à l’hiver. Où? Sur ce nouveau parquet lustré, de l’autre côté.

Nous quittons l’appartement.

Les murs sont blancs, dénudés, le papier peint s’arrache par endroits. Il y a de l’écho dans les pièces de nos vies, et je me sens étrangère chez moi.

Chez moi.

Depuis quand?

 

Kartons

Il est huit heures du matin et au-dessus du balcon pend une guirlande de perles, souhaitant en lettres colorées un joyeux anniversaire à une autre que moi.
Elle est blonde et je ne la connais pas.

Il est huit heures du matin et sous ma paume commence à chauffer le faux-cuir du canapé qui ne m’appartient pas, sur lequel nous nous sommes blottis, moi et lui.

Lui et moi dans cet espace à présent vide.

Se battre pour vivre à deux, faire la guerre pour avoir la paix, sans la déclarer, sans tomber dans l’atrocité, les coups bas, le tout est permis: faire la guerre sans laisser de traces, sans saboter le bateau, sans se tirer dans le pied une balle qu’on ne pourra ôter. Faire la guerre, tenir bon et son rang, ne pas détruitre ce lieu, ne pas effacer le petit matin où le crépi du mur dessinait pour moi un nouveau jour heureux, non plus que la nuit où finalement j’ouvris les yeux.
Oui… Toi. Reste un peu…

Nous quittons l’appartement, car en son sol est un venin, un poison qui le ronge chaque jour.

Non plus la guerre, non, non plus le passager clandestin.

C’est l’amiante, mon amour, qui nous étouffe la nuit, l’amiante qui fait gonfler mes paupières, rougir la racine de mes cheveux. C’est l’amiante qui vient nous menacer, l’amiante, et non le passé.
Le passé est effacé.

Je ne vis plus dans ton vécu, dans ces années qui me faisaient trembler: 2006, 2007, 8, 9, 10. C’est le 11, chiffre aimé, qui est venu les remplacer, le 12, le 13, le 14. Le 15. Aujourd’hui. Oui. Nous déménageons. Trois semaines. Le temps de la rénovation.
Trois semaines sur le nouveau balcon, depuis lequel nous contemplons le nôtre.

– T’as entendu parler des membres fantômes?
– Quand on ampute un membre, mais que l’on ressent encore de la douleur dans le membre disparu?
– Oui. Et bien moi j’ai un “Fantom Umzug”: je n’ai rien soulevé, rien transporté, et pourtant je suis épuisé.

C’est parce qu’ils ont déplacé les esprits, fait disparaître les revenants.

On est mars 2015, mon amour, près de Hip, face à Hop, ensemble, et sous Banana Jo.

 

Foto 1

 

 

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Auteur·e

etageres