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A Yemanja je m'en remets

L’eau ruisselle sur une surface plane, ouverte, probablement du carrelage. Il y a cet écho particulier qui fait penser que la pièce est grande, vide, peut-être une fontaine dans le hall d’un bel immeuble, quelque chose comme un puits de lumière, avec des plantes tout autour, un « mur végétal intérieur », comme on les appelle, et, du ciel, viendrait couler cette eau que l’on entend, cette eau que l’on imagine.

Elle sort de la mer, nimbée d’une lumière bleue.
De ses mains, de ses longs doigts fins, s’échappent coquillages et étoiles de mer.

Aujourd’hui 2 février ils viendront lui apporter par milliers des présents, qu’ils déposeront dans ces mêmes vagues qu’ils ont sautées pour elle, sept fois, le soir du 31 décembre.

Yemanja.
Déesse de la mer.

Yemanja

Nous marchons vers la plage, avec la petite aux yeux d’amande, et aux longues boucles brunes.
Son regard se fait espiègle et elle tente d’en savoir plus :

– Mais Yemanja c’est la déesse de l’eau alors ?
– Euh… oui… C’est la déesse de l’eau, oui. De la mer, de l’océan…

Le chemin est boueux, longé ça et là par les prairies normandes, gorgées de l’eau des dernières pluies.
Devant nous, l’inégalité de la route a creusé de grands trous, désormais emplis d’une eau brunâtre et opaque.

– Mais alors, c’est la déesse de la flaque, aussi ?

Je regarde cette surface morose, boueuse, triste.

La petite prend l’un des cailloux qu’elle avait dans sa poche, et le lance. Il tombe dans la flaque avec un bruit lourd, le bruit de la mort.

– Non, c’est pas Yemanja, ça ! Je la déteste !, lance-t-elle à la flaque, à présent sûre d’elle et méprisante.

Je ris.
Nous nous avançons vers la véritable, la vivante, la mouvante, la mer, celle qui sans cesse ressasse nos sentiments, refoule nos pensées morbides, nous insuffle la vie, et son sens.

La mer.

Celle dans laquelle il perdit la sienne.

Plus jamais immobile, enfermée, dans cette maison pankowienne. Plus jamais seule, ne sachant plus qui elle est, qui elle a été. Plus jamais ce petit rire, aimant, fou, et répété, ce rire comme une cascade intarrissable, au roulement perpétuel, infini, blessant, blessé.

Elle est à présent libre, à Yemanja confiée, et dans l’eau vient se refléter la voie lactée que les poissons prennent pour des insectes de lumière, venus les tenter de clarté, quand sous nos yeux ils pêchent les étoiles.

Yemanja, déesse de la mer
Yemanja, déesse de la mer
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Auteur·e

etageres