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Lorsqu'on se perdait

On se perd.
A. parti à deux heures, S. rentré brocanter, P. à Port-au-Prince dont je ne sais plus rien, S. devenu muette qui suit C. pour mieux retourner à une mère qu’elle n’aime pas. Dans cette brume de nerfs, de peau qui se ride, de psoriasis venu grignoter notre cuir chevelu pour nous donner les signes – oui ma vieille, toi aussi, tu vieillis.
Et tes amis partent.
Tu rentres seule dans ton appart, et cette fois-ci, si, tu es bien rentrée seule de ta nuit.

Le double reflet d’un même miroir – une nuit à Lisbonne, celle de la brume éthylique, de la légèreté, de l’audace. Celle des retrouvailles, de la mascarade, et du doute.
Un corps nu que l’on observe, un corps nu qu’on interroge.
Regarder l’autre avec étonnement, voire condescendance. Quand ce n’est nullement ce qui nous habite.

Qui est cet être posant une main sur moi ? Pourquoi ? Que fais-je là ? A quoi on joue ? Et en même temps, que ferais-je, si je n’étais pas là ?
La mascarade, le mouvement répété, incessant – eh oui, c’est nul, quand hier c’était transcendant. C’est vide de tout, de sens, et de sang, on fait semblant, quand soudain, éclat, éclair, il y a finalement de l’amour le mystère puisqu’à nouveau touchée, en plein cœur, en pleine tête, à nouveau prête, et abandonnée. Délices.
Et encore et encore – vaincre la mort, c’est donc cela que chaque jour nous faisons. Et c’est déjà une raison.

– A quoi tu penses ?
– A Prague.

Oui mon cœur qui n’est pas mon cœur, je pense à Prague, et que veux-tu que je te dise.

– T’as failli répondre « Au boulot ».
– Ah nan… quand même pas… jamais.

Je suis vexée. Je souris mais je suis vexée. Qu’est-ce qui, chez moi, peut évoquer cela ? Ne suis-je pas la femme qu’ils me décrivent, traînant avec elle son aura de fantasmes et de plaisirs inassouvis ?
Non, je suis celle qui répond « Oui » comme elle bâillerait, à son amant qui la reprend, celle qui rougit à certaines pensées, celle qui met des heures à avouer, celle qui jamais le doigt ne lève, et qui tout bas, pense…

 

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Auteur·e

etageres